Choc du Monde de la musique
Le monde de la musique, avril 2003
RACHMANINOV: CONCERTOS POUR PIANO ET ORCHESTRE N° 1 EN FA DIÈSE MINEUR OP. 1 ET
N° 3 EN RÉ MINEUR OP. 30
Rachmaninov avait dix-sept ans lorsqu'il a écrit son Premier Concerto et trente-six
à la naissance de son Troisième. Dès son Opus /, le compositeur russe démontre
qu'il a parfaitement assimilé l'essence de la grande forme romantique et tous
les idiomes d'un genre où l'équilibre est périlleux. L'émission littéraire «
Apostrophes » a popularisé le grand thème lyrique du premier mouvement. Le
Troisième Concerto a été composé pour une tournée en Amérique en 1909. Le
dédicataire de l'œuvre, le pianiste Joseph Hofmann, ayant déclaré forfait devant
la difficulté de l'œuvre, le compositeur dut s'exercer pendant toute la
traversée en bateau sur un clavier muet.
Par
Olivier Bellamy
Nikolaï Lugansky (piano),
Orchestre symphonique de Birmingham, Sakari Oramo (direction)
1 CD Warner Classics 0927 47941-2 Texte de présentation en français Enregistré
en 2002 et 2003 - Minutage: 1 h 8' DDD
Si le Premier Concerto reste influencé par les concertos de Grieg et de
Tchaïkovski (tout en étant étonnamment personnel pour une œuvre de jeunesse), le
Troisième appartient totalement à son auteur et accuse une maîtrise parfaite du
fond et de la forme.
Depuis son premier enregistrement des concertos de Rachmaninov avec l'Orchestre
d'Etat de Russie dirigé par Ivan Shpiller (Vanguard. 1995), Nikolaï Lugansky a
approfondi sa conception sans rien perdre du brio et de l'éclat de ses jeunes
années. Ajoutons que l'orchestre et la prise de son sont nettement supérieurs
dans cette nouvelle version.
Pianiste à la puissance phénoménale, Nikolaï Lugansky cloue l'auditeur sur son
fauteuil dès qu'il hausse le ton dans un fortissimo. Mais contrairement à Arcadi
Volodos (Sony), il a une vraie vision de ces deux œuvres et ne se contente pas
de faire de l'effet. Son sens poétique est réel dans les passages élégiaques, sa
sonorité est toujours en accord intime avec le message profond de la musique et
ses phrasés ne sont jamais pris en défaut de banalité. Si, dans ces colonnes, on
a été moins sensible à ses enregistrements consacrés à Chopin, force est de
reconnaître que Lugansky est l'un des plus grands interprètes actuels de
Rachmaninov, et ceux-ci se comptent sur les doigts d'une main.
Sakari Oramo prouve à nouveau qu'il est le digne successeur de Simon Rattle à
l'Orchestre de Birmingham. Sa direction nerveuse, énergique et racée fait
merveille.
Cette version est à placer aux côtés des plus grandes: Janis/Kondrachine
(Philips) et Orozco/de Waart (Philips) pour le Premier Concerto, Argerich/
Chailly (Philips), Rachmaninov/ Ormandy (RCA), Horowitz/Reiner (RCA) pour le
Troisième.